samedi 3 octobre 2009

Un référendum pour rien

LES FAITS :

Le 12 juin 2008, le peuple irlandais rejetait par 53,4 % des voix le traité de Lisbonne. Le 2 octobre 2009, il s’est prononcé de nouveau, et favorablement, sur ce même texte sans qu’une seule virgule n’en ait été changée. Un texte qui n’est lui-même qu’une reformulation délibérément confuse du traité constitutionnel européen rejeté par les électeurs français et néerlandais en 2005. Ainsi, quel qu’ait été le résultat, le second référendum irlandais ne pouvait être qu’une nouvelle illustration de la perte totale de légitimité des institutions européennes.
2005, 2008, 2009… Les référendums se succèdent, le nom du texte change, le contenu reste le même[1] ; cet acharnement révèle la nature du projet : l’Union européenne ne se contente pas de questionner la souveraineté des peuples européens pour réaliser son ambition, c’est la perte de souveraineté de ces mêmes peuples qui constitue son projet. Peut-on encore appeler référendum ce qui finalement n’est que la recherche d’une réponse unique validant un processus de tractations entre le gouvernement irlandais et le Conseil européen ?
Il convient tout d’abord de se remémorer la réception du « non » irlandais en 2008[2]. Avant même l’annonce du résultat, les sondages prévoyant la victoire du « non » avaient déclenché des réactions à l’écoute desquelles il était clair que le traité de Lisbonne devait être adopté coûte que coûte. Quelques jours avant le référendum, Bernard Kouchner, pour ne citer que lui, anticipait « [qu’en cas de vote négatif], il faudrait continuer, s’acharner, aller très vite, continuer sur les priorités que nous avons définies et puis tenter de convaincre les Irlandais qui ont déjà revoté une fois à propos du traité de Nice justement, de remettre ce traité sur le métier[3] ».
Après le résultat, le dispositif désormais bien rôdé de négation des sanctions populaires fonctionna à plein régime, journalistes et politiciens relativisèrent en chœur la portée du « non » car, comme l’a dit Jean Daniel, « Un pays de 4 à 5 millions d’habitants comme l’Irlande ne peut pas tenir en otage des nations réunissant 490 millions de citoyens[4] ». La souveraineté populaire est une notion caduque pour les commentateurs autorisés. Dès le lendemain du référendum, José Manuel Barroso clama que « Le traité de Lisbonne n’est pas mort, il est vivant[5] ». Le premier ministre polonais Donald Tusk fut l’un des plus francs : « Le référendum en Irlande ne disqualifie pas le traité de Lisbonne. L’Europe trouvera un moyen de le faire entrer en vigueur[6]. » Dans un soliloque antidémocratique permanent, les zélateurs européistes piétinaient la souveraineté du peuple irlandais ; pour eux, l’Union européenne est d’ores et déjà souveraine.
Le premier ministre irlandais, Brian Cowen, montra très rapidement qu’il ne comptait pas soutenir la décision de son peuple ; au contraire, il en minimisa le poids en déclarant : « Nous devons prendre le temps de digérer ce qui s’est passé, de comprendre pourquoi, de nous concerter largement entre nous et avec nos partenaires[7] ». Ce langage délicieusement diplomatique montrait qu’il s’agissait maintenant de trouver un moyen de contourner le « non » irlandais. Il n’a jamais été sérieusement question de prendre en compte le verdict populaire. Une telle attitude de la part d’un dirigeant démocratiquement élu dévoile la nature réelle du rôle des élites européennes : bien qu’elles s’en défendent, elles ont cessé de représenter leur peuple pour se mettre au service d’une politique supranationale avec laquelle il est impossible de transiger et dont elles sont chargées de faire appliquer localement les décisions. Une telle duplicité mène la démocratie à sa perte.
La chronologie des faits de l’année écoulée depuis le « non » irlandais de 2008 permet de rendre compte du refus d’entériner la volonté populaire. Après un mois de juin passé en commentaires culpabilisants ou infantilisants à l’égard des électeurs irlandais[8], Brian Cowen fut, tel un mauvais élève, convoqué devant le Conseil européen pour rendre compte de son échec. Le Conseil reprit ensuite le contrôle du processus de ratification. Il était impossible de changer le texte du traité sans que cette nouvelle mouture soit réexaminée par tous les États de l’UE. Aussi le schéma retenu fut celui d’une adjonction au traité sous forme d’un protocole additionnel portant sur les questions de la neutralité, de la législation sur l’avortement et du contrôle de la fiscalité, points de cristallisation supposés du mécontentement lors du premier scrutin. Il sera toujours plus facile d’annuler ce protocole que d’amender l’ensemble du traité constitutionnel. Ainsi croit-on habile de « garantir » aux Irlandais un droit qu’ils possèdent déjà, celui de décider de leur propre législation. Enjoignant les Irlandais à céder leur pouvoir souverain en échange de simples garanties sur des questions particulières, le Conseil européen semble considérer que l’on peut préférer céder sa montre contre la promesse de pouvoir toujours demander l’heure…
LES COMMENTAIRES DE L’UPR :
Si l’Union européenne était un système démocratique – ce qu’elle n’a jamais été et ne sera jamais –, il serait impensable de faire revoter un peuple souverain alors même que celui-ci vient de donner son verdict. Il ne serait pas davantage envisageable de priver de parole les autres peuples. Mais les peuples d’Europe ne vivent que dans une parodie de démocratie ; le verdict des urnes, seul sondage d’opinion légitime, a cessé d’être politiquement contraignant. Il faut en prendre acte avec le plus grand sérieux et mesurer ce que les dirigeants européens sont prêts à faire pour que leur projet aboutisse.
Les « non » français et néerlandais au traité constitutionnel européen ont été purement et simplement annulés ; le seul peuple qui, grâce à la constitution de son pays, a eu l’occasion de se prononcer sur le traité de Lisbonne se voit refuser le droit de dire « non ». Ce refus est à entendre au sens strict ; en effet, comme l’a dit José Luis Zapatero, « Il n’est pas possible que l’Irlande, avec tout le respect pour son choix démocratique, puisse stopper un projet aussi nécessaire[9] ». Non seulement les dispositions néolibérales contenues dans le traité de Lisbonne, comme celle du principe de concurrence libre et non faussée, ne sont pas amendables, mais elles sont le fond même du projet européen, et celui-ci n’est pas négociable. Aussi on ne saurait espérer sans contradiction réformer de l’intérieur ce qui constitue la nature même de « l’idée européenne ». Soit elle est acceptée, soit elle est imposée. Mais où se cache la démocratie dans de telles pratiques ?
Les peuples se voient systématiquement privés d’un débat public digne de ce nom sur l’Union européenne. Lorsque le biais européiste flagrant des médias[10] et la fidélité béate des partis politiques au projet européen laissent malgré tout émerger un désaveu public, celui-ci est nié, contourné. Tous les partis qui ont accès aux médias sont favorables à la construction européenne – c’est justement pour cela qu’ils ont accès aux médias – alors que les taux d’abstention aux élections européennes et les doutes quant aux vertus démocratiques de l’UE n’ont jamais été aussi forts. Toutes les grandes puissances privées (multinationales, banques, etc.) sont favorables à la construction européenne, sans doute sont-elles impatientes que « l’Europe sociale[11] » voie le jour... Partis, médias et puissances d’argent convergent naturellement vers l’euro-libéralisme, chacun trouvant (ou espérant trouver) dans la décrépitude des États-nations un avantage et le moyen d’accroître leur pouvoir aux dépens des droits politiques et sociaux des citoyens.
Pour se faire une idée de l’impunité et du traitement de faveur dont bénéficie l’Union européenne, imaginons qu’elle serait la réaction de la « communauté internationale » et des médias occidentaux si le gouvernement de la Russie, de l’Iran ou du Venezuela annulait ou ignorait le résultat d’un référendum... Pourtant, c’est en Europe que les médias et les partis politiques s’efforcent de masquer à grands coups de com’ et de « pédagogie » – terme de marketing politique pour désigner la propagande – le déficit démocratique grandissant et le penchant totalitaire de l’Union européenne. Moins nous serons effectivement en démocratie, plus il faudra prétendre le contraire. Il s’agit de compenser la disparition de la chose par la répétition massive du mot.
Quel qu’ait pu être le résultat du référendum du 2 octobre, il aurait été pris en charge par l’habituel dispositif de réception médiatique. Le « oui » l’emportant, on voit que l’ambiance est à l’approbation soulagée. Mais si les Irlandais avaient reconduit leur « non », il aurait s’agit une fois encore de « sortir l’Europe de l’impasse ». Il aurait surtout importé que l’opportunité même de la construction européenne ne fut pas remise en cause. C’est cette absence de choix politique réel, caractéristique de la société post-démocratique à laquelle une « élite technicienne » destine les peuples, que l’on perçoit derrière ces propos de l’ancien ministre des affaires européennes, Jean-Pierre Jouyet :
« Je pense sincèrement que le référendum n’est pas la bonne formule pour adopter à l’échelon national les traité et les règlements internationaux. Donc, en effet, si d’autres référendums [sur le traité de Lisbonne] avaient été organisés, il est probable que certains auraient aussi vu le “non“ l’emporter. Mais ce n’est pas au peuple de trancher ces questions très complexes[12] ».
Laurent Dauré et Dominique Guillemin
Militants de l’Union Populaire Républicaine – Paris

www.u-p-r.fr

Les Irlandais disent oui au traité de Lisbonne - En route vers la tyrannie

ordre"La peine de mort est abolie. Nul ne peut être condamné à une telle peine ni exécuté", proclame l’article 2 - 2 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Pourtant, ce texte est discrètement corrigé : "Selon l’article 6 alinéas 1 et 3 du Traité de Lisbonne, « les droits, les libertés et les principes » de la Charte sont à interpréter en fonction des dispositions générales du Titre VII de la Charte qui en définit l’interprétation et l’application ainsi qu’en tenant dûment compte des « explications » mentionnées dans la Charte et où sont indiquées les sources de ces dispositions", explique le professeur de droit allemand Karl Albrecht Schachtschneider, interviewé par le magazine Focus-Money (article traduit par Reporterre). "Pourquoi tant de complication ?", l’interroge alors le journaliste, nommé Olivier Janich. "C’est pour dissimuler les choses. On ne présente aux députés que le texte du Traité, qui est de toute façon difficile à comprendre et beaucoup trop long", répond le juriste. Une pierre dans le jardin de Nicolas Sarkozy, qui a osé appeler Lisbonne "mini-traité" et "traité simplifié" alors qu’il est évidemment tout le contraire : long de 152 pages, contenant plus de 350 dispositions de droit primaire, auxquelles s’ajoutent 13 protocoles et 59 déclarations, et complexifié à l’extrême à dessein, pour qu’on n’y comprenne rien. Conséquence de ce camouflage sur le sujet qui nous occupe : la noble prohibition de la peine de mort est rendue caduque par "l’explication" suivante : "La mort n’est pas considérée comme infligée en violation de cet article dans les cas où elle résulterait d’un recours à la force rendu absolument nécessaire : pour assurer la défense de toute personne contre la violence illégale ; pour effectuer une arrestation régulière ou pour empêcher l’évasion d’une personne régulièrement détenue ; pour réprimer, conformément à la loi, une émeute ou une insurrection" (article 2 - 2 de la Convention européenne des droits de l’homme) et "Un Etat peut prévoir dans sa législation la peine de mort pour des actes commis en temps de guerre ou de danger imminent de guerre ; une telle peine ne sera appliquée que dans les cas prévus par cette législation et conformément à ses dispositions" (article 2 du protocole no 6 annexé à la CEDH). Réglons tout de suite le sort de cette dernière disposition : "Selon l’explication, la peine de mort peut être introduite en temps de guerre ou de danger imminent de guerre. Il s’agit là d’un cas très théorique", croit pouvoir avancer le journaliste de Focus-Money. "Vous croyez ? Ne sommes-nous pas en guerre en Afghanistan ? Qu’est-ce qu’un danger de guerre ? Qu’en était-il de la guerre en Yougoslavie kas ?", rétorque Karl Albrecht Schachtschneider.

"Ce qui est encore plus inquiétant, c’est que l’on puisse tuer illégalement et sans ordonnance d’un juge lors d’un émeute ou d’une insurrection. Qui définit cela ?", l’interroge alors Olivier Janich. Réponse : "C’est là le problème. A mon avis, les « manifestations du lundi » à Leipzig, en 1989, pourraient être qualifiées d’insurrection, comme pratiquement toute manifestation non autorisée. Prenons les émeutes en Grèce ou les manifestations récentes de Cologne et de Hambourg. Il suffit que quelques « autonomistes » lancent des pierres." Chez nous, on songe aux émeutes de banlieue ou encore aux accrochages en marge du sommet de l’Otan à Strasbourg. Cette qualification d’émeute, qui autorise donc à s’affranchir de l’obligation de ne pas donner la mort, permet en réalité de rendre légale n’importe quelle répression sanglante. Difficile de ne pas croire que c’est justement le but poursuivi : sinon, pourquoi avoir pris la peine d’inscrire cette disposition dans un texte de plein droit, si ce n’est pour se ménager la possibilité de l’invoquer ? Cette idée est exprimée dans la fin de l’interview du juriste allemand (les questions de Focus-Money sont en italiques) : "Pouvez-vous imaginer une raison pour laquelle on prend ce genre de décision ? Les gouvernements s’attendent manifestement à des insurrections. Le scepticisme à l’égard des gouvernements et de l’appareil européen ne cesse d’augmenter. La crise financière et économique accentue la pression sur la population. Donc on a l’intention de tirer sur les manifestants ? C’est ce qu’il semble. Que peut-on faire contre ça ? A mon avis, le Traité de Lisbonne justifie la résistance, également parce qu’il sape la démocratie. A quelle forme de résistance pensez-vous ? Par exemple à des manifestations et à toutes les formes d’opposition publique, à la voie suivie par Gandhi. Manifestations qui vont être qualifiées d’insurrections. Cela évoque les dictatures. Le terme de dictature est impropre mais très usité. Depuis la République romaine, on la définit comme une législation de l’état d’urgence d’une portée limitée dans le temps. Je parlerais plutôt de despotisme, lequel peut dégénérer en tyrannie. D’ailleurs, si en octobre les Irlandais acceptent le Traité de Lisbonne, la peine de mort sera rétablie."

sgSur le volet anti-démocratique de Lisbonne enfin, faisant écho à notre article de décembre 2007 Traité européen : le foutage de gueule officiel, Susan George (membre du Conseil scientifique d’Attac), Aurélie Trouvé (coprésidente d’Attac) et Michael Youlton (coordinateur de la campagne irlandaise pour le non au Traité de Lisbonne), ont publié hier une tribune sur Rue89 : "Les gouvernements européens se sont ainsi mis d’accord sur des changements cosmétiques à la Constitution pour qu’elle soit plus facile à avaler » : voici ce que Valéry Giscard d’Estaing disait en 2007 du Traité de Lisbonne, frère jumeau du Traité constitutionnel européen (TCE). Le 2 octobre prochain, les Irlandais iront voter sur un traité rejeté trois fois, par les Français, par les Néerlandais et par eux-mêmes. En France et aux Pays-Bas, ce traité a pu finalement être adopté en privant les citoyens d’un nouveau vote et en le confiant aux parlementaires. Mais en Irlande, une disposition constitutionnelle oblige, pour toute modification significative des traités européens, à une consultation préalable du peuple par référendum. Voilà donc le gouvernement irlandais obligé de faire revoter des citoyens qui ont « mal » voté en juin 2008. (...) quand des centaines de travailleurs de Dell se voient licenciés suite à une délocalisation en Pologne, M. Barroso accourt immédiatement pour distribuer des carottes avant le référendum : quelques millions d’euros pour la formation et le reclassement. Ceci afin que ne soit pas soulevé le fond du problème, une Europe du libre-échange sans processus d’harmonisation sociale vers le haut et où les entreprises se délocalisent là où les règles sont les moins contraignantes. (...) Les partisans du oui mettent en avant ce soutien de l’Union européenne, mais se gardent bien de dire qu’il est conditionné à des coupes drastiques dans les programmes sociaux et les fonds publics, qui poussent des milliers d’Irlandais à manifester en ce moment. (...) Si les électeurs irlandais disaient non pour la seconde fois, cela pourrait au moins offrir l’opportunité de mettre en débat, avec l’ensemble des citoyens, le contenu d’un nouveau traité, qui puisse réellement résoudre les problèmes sociaux, écologiques et démocratiques auxquels est confrontée l’Union européenne."

Please, irish friends, vote no !

vendredi 2 octobre 2009

Le Coup d’Etat de Lisbonne veut porter Blair au pouvoir

Article rédigé le 03 Oct 2009, Par Mécanopolis

Si le Traité de Lisbonne était ratifié, il engendrerait immédiatement un Tony de Lisbonne. Selon les informations publiées hier par le quotidien britannique The Sun, Tony Blair pourrait être propulsé au poste de Président de l’Europe avant la fin du mois !

tony blair

Le Sun cite une source haut placée dans le gouvernement britannique, expliquant : « Si nous obtenons un Oui [au référendum irlandais qui se tient aujourd’hui, ndlr], tout bougera très très vite. Tony pourrait être nommé dès la fin octobre. » La Suède, qui dirige la présidence tournante de l’UE jusqu’au 31 décembre, « veut qu’un président soit nommé dès la fin du mois, et M. Blair est le favori », explique le Sun. Un diplomate français a même confié : « Qui oserait dire non à Tony Blair ? », tout en minimisant la responsabilité que Blair porte dans le déclenchement de la Guerre en Irak.

Et oui, qui oserait s’opposer à lui ? David Kelly, l’inspecteur en armement britannique, a payé de sa vie d’avoir révélé que les « preuves » données par le gouvernement Blair sur les armes de destruction massive irakiennes étaient bidonnées. Quant à Nicolas Sarkozy, il est le premier supporter de sa candidature, au nom de l’entente cordiale qu’il a scellé avec son « ami Tony ». S’il est vrai qu’à la vue de l’un on pourrait être tenté de soutenir l’autre, Tony Blair n’en serait pas moins le président supranational non-élu de l’Europe. Il faut dire non au césarisme !

Source : Solidarité et Progrès